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Mon année en orthopédagogie

Les conduites addictives chez les adolescents

 

Définitions de l’addiction

 

Le ministère français de la solidarité et de la santé définie l’addiction comme telle: 

« L’addiction se caractérise par l’impossibilité répétée de contrôler un comportement et la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives. La notion de conduite addictive comprend à la fois les addictions aux substances psychoactives (alcool, tabac, drogues illicites) mais également les addictions comportementales, sans substances psychoactives (jeu, par exemple).

Les addictions posent en France comme à l’échelle européenne et dans le reste du monde, un problème de santé publique majeur, dont les impacts sont multiples, sanitaires, médicaux et sociaux.

La consommation de substances psychoactives est responsable en France de plus de 100 000 décès évitables par accidents et par maladies, dont près de 40 000 par cancers. Les conduites addictives interviennent ainsi dans environ 30 % des décès avant 65 ans (également appelée mortalité prématurée). »

 

Les addictions sont donc des pathologies cérébrales définies par une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères.    

Un individu peut développer une dépendance tout au long de sa vie mais la période de l’adolescence est la plus propice à  son apparition. Le comportement à risque des jeunes facilite les premières expériences et augmente le risque d’une addiction par la suite

En santé mentale et selon le DSM 5, le diagnostic de l’addiction (ou dépendance) repose sur des critères bien définis. Parmi ces critères, on trouve la perte de contrôle de soi, une augmentation de la tolérance  aux produits addictifs, l’interférence de la consommation sur les activités scolaires ou professionnelles, ou encore la poursuite de la consommation malgré la prise de conscience des troubles qu’elle engendre.

 

 

Les différents produits

 

 

    

 

Le tabac et l’alcool restent les produits licites  les plus consommés chez les jeunes. Pour l’alcool, plus les jeunes sont diplômés, plus leur consommation hebdomadaire est importante. Pour le tabac, les enfants de milieux défavorisés fument plus, si le tabac est déjà présent à la maison cela est un critère aggravant.

 

La consommation d’alcool en Belgique est bien ancrée dans les moeurs belges. 85% des jeunes de 12-20 ans scolarisés en Fédération Wallonie Bruxelles en ont déjà consommé. Néanmoins, une partie d’entre eux n’en consomment pas ou alors de manière occasionnelle. L’expérimentation est de plus en plus précoce au fil des décennies. La consommation hebdomadaire diminue mais les abus augmentent. Ainsi, les jeunes de 15 ans et plus sont nombreux à pratiquer la surconsommation ou l’hyperalcoolisation ou « binge drinking » (6 verres ou plus en une seule occasion) de manière hebdomadaire ou mensuelle, la plupart du temps dans un contexte festif et en groupe. 

Les consommations plus régulières et plus susceptibles de poser des problèmes (surconsommation, binge drinking, usage quotidien) sont plus fréquentes chez les garçons que chez les filles. Ces types de consommation sont susceptibles d’engendrer des comportements à risque. 

Les jeunes sont rarement des consommateurs quotidiens d’alcool contrairement aux adultes.

 

Le cannabis  est la drogue illicite la plus consommée et banalisée. La France a le triste titre de championne mondiale de consommation de cannabis.

Ces consommateurs sont souvent des garçons et le tabac y est souvent associé. Dans plus de 45% des cas, il s’agit de consommateurs réguliers. 

La consommation de drogues dures comme la cocaïne (340 000 jeunes de 14-17 ans en auraient déjà consommés), les amphétamines, la kétamine, l’héroïne et l’extasie sont de plus en plus utilisées mais ne concernerait que 1 à 3% des adolescents. 

Les produits inhalants comme la colle ou les solvants (contenant de l’acétone) mais également les poppers (vasodilatateur connu pour ses effets euphorisants et aphrodisiaques) ont connu une très forte augmentation.

Le recours aux médicaments pour pallier l’anxiété et les troubles du sommeil sont plus observés chez les filles.

 

Mais il y également les addictions sans substances, c’est-à-dire les dépendances liées à internet et réseaux sociaux qui concernent davantage les filles. Les jeux vidéos en ligne (et parmi ceux-ci les jeux en réseau et les jeux de rôle multi-joueurs) sont réputés être les plus addictogènes. Ces derniers ainsi que l’addiction aux sites pornographiques concernent plus les garçons.

 

L’utilisation des écrans, réseaux sociaux et jeux vidéo, est spectaculairement élevée chez les jeunes, et plus encore chez les adolescents (10% y passent 8 heures par jour). Cela entraîne des troubles du sommeil, des difficultés d’apprentissage ainsi que des troubles du comportement.

 

 

Les jeux d’argents sont observés davantage dans les milieux défavorisés.

 

3 types de consommation chez les adolescents:

 

1) La consommation conviviale se fait toujours entre amis, jamais seul, de façon ponctuelle, (lors de fêtes, week-end, vacances…). L’effet recherché est l’euphorie. Ceci représente 81% des cas. Il peut y avoir un fléchissement scolaire mais les activités sportives, culturelles et sociales sont conservées.

 

2) La consommation autothérapeutique  est quand à elle une   consommation en solitaire et régulière dans un but anxiolytique, ayant pour conséquence un décrochage scolaire et un isolement (vie sociale pauvre et les activités habituelles sont peu à peu abandonnées).

 

3) La consommation addictive se pratique seul ou en groupe, elle est régulière et quasi quotidienne avec pour effet recherché « la défonce » pour le côté anesthésiant du produit. Le jeune s’inscrit dans comportement de rupture qui mène à l’exclusion scolaire et des circuits sociaux. Le jeune n’a de relation qu’avec d’autres jeunes, eux-mêmes en rupture.

 

 

L’adolescence période de vulnérabilité

 

L’Organisation Mondiale de la Santé considère que « l’adolescence est la période de croissance et de développement humain qui se situe entre l’enfance et l’âge adulte, entre les âges de 10 et 19 ans. » si on ne considère alors que les caractères physiques de l’adolescence.

En ce qui concerne la maturité cérébrale, l’apport des nouvelles connaissances dans les neurosciences nous montre en fait que cette période est beaucoup plus longue et estime sa fin vers 25 ans.

L’adolescence est une période de modifications, elle est caractérisée par de nombreux changements biologiques (hormonaux et neuronaux), psychologiques, cognitifs et sociologiques. 

A 19 ans, les caractères physiques et sexuels sont arrivés à maturation mais il n’en est pas de même pour le cerveau des adolescents. 

Selon les explications du neuroscientifique Daniel Siegel, deux grandes transformations touchent le cerveau des adolescents : l’élagage et la myélinisation.

Les neuroscientifiques parlent  de « remodelage dans les zones frontales du cortex ». Ce changement permet la mise en place des nombreuses fonctions dans cette zone en « chantier » qui sont   le contrôle les émotions, les fonctions cognitives supérieures, la planification,  l’empathie…

Ainsi pendant cette période, les profondes modifications biologiques améliorent les capacités mentales de l’adolescent qui acquiert, construit et utilise de nouvelles connaissances, mais aussi ses capacités à raisonner, prendre des décisions et se contrôler soi-même. 

Les conséquences de l’addiction sur le cerveau

 

Le cerveau de l’adolescent est un cerveau vulnérable car il est en pleine maturation, il est plus sensible aux produits addictifs. Des études mettent en évidence de nombreuses atteintes morphologiques et fonctionnelles au niveau de la substance grise et blanche (Lisdah, 2013). L’alcool et le tabac créent des lésions irréversibles qui altèrent son fonctionnement et sa morphologie. Avant 15 ans, même de faibles quantités risquent d’abîmer le cerveau. On constate par exemple une diminution du volume de certaines structures cérébrales chez les jeunes binge drinkers » (trop d’alcool, trop vite) au niveau de :

- l’hippocampe (apprentissage, mémorisation);

- des aires corticales frontales et pré-frontales contrôlant les pulsions (ce qui engendre des comportements à risque);

- du cervelet (rôle majeur des fonctions cognitives);

Les fonctions exécutives sont atteintes (capacités à juger, planifier et inhiber un comportement).

En résumé, une grande consommation d’alcool, de type binge drinking, même si celle-ci n’est pas quotidienne entraîne des modifications physiques cérébrales, avec  une diminution de la matière cérébrale. Le cannabis quant à lui a plus une toxicité physiologique. 

Plusieurs études ont montré que les atteintes sur la mémoire et l’apprentissage engendrées par une consommation massive d’alcool sont encore plus importantes chez les filles que chez les garçons. Elle expose à l’anxiété et à la dépression (la consommation d’alcool a pour conséquence de faire diminuer  la sérotonine dans le cerveau). 

Il existe une co-morbidité addictive chez les adolescents souffrant d’un trouble déficitaire de l’attention (avec ou sans  hyperactivité) ainsi que les jeunes souffrant de troubles des conduites alimentaires (anorexie). Ce sont des pathologies vulnérabilisantes. 

 

Le siège cérébral des émotions se développe quant à lui plus tardivement et reste donc instable durant l’adolescence.

L’immaturité des circuits limbiques et des connexions avec le cortex pré-frontal à l’adolescence (augmentation des capacités de raisonnement, de prise de décision, résolution de problèmes, capacité d’adaptation, moindre prise de risque…) augmentée par les effets de l’alcool et de la drogue renforcent le sentiment d’invulnérabilité de l’adolescent.

 

Les conduites addictives chez les adolescents relèvent d’un problème de santé publique. 

Ces conduites à risque ont des conséquences immédiates telles que :

  • les accidents de la route, première cause de mortalité chez les 15-24 ans en France;

  • les accidents domestiques (chute, défenestration au cours de soirée un peu « trop arrosée »);

  • les violences aux personnes (bagarre, violence faite aux femmes);

  • les rapports sexuels non protégés (maladies sexuellement transmissibles, grossesse non désirée);

  • les passages à l’acte (suicide); 

  • les comas éthyliques, overdoses dues à l’usage excessif de la substance.

 

Les conduites addictives ont des conséquences délétères retardées avec des effets secondaires à long terme tels que:

- les troubles neurologiques et psychiatriques des consommateurs réguliers de drogue;

  • l’alcoolodépendance. Une expérimentation précoce (avant 15 ans) semble être un facteur de  risque de devenir alcoolodépendant comparativement aux jeunes dont l’initiation a eu lieu après 21 ans (étude SAMSHA 2011);

  • une augmentation  du risque de développer un cancer et des maladies cardio-vasculaires;

 

Enfin, les conduites addictives ont des conséquences socio-professionnelles telles que:

  • perte de contrôle et de motivation, Pascual 2012;

  • troubles psychiques et cognitifs (difficultés de concentration, d’expression ou de mémorisation par exemple) qui peuvent peser sur les résultats scolaires ou professionnels, voire progressivement entraîner une déscolarisation et une marginalisation.

 

Les consommations ne signent pas pour autant un phénomène pathologique, car la majorité des jeunes diminueront leur consommations lors de la transition à l’âge adulte (vers 25 ans).

 

Les causes des addictions chez l’adolescent

 

Deux éléments majeurs expliquent la vulnérabilité de l’adolescent durant cette période de sa vie :

- les spécificités psychologiques de la période adolescente caractérisées par un désir d’autonomie et une  dépendance à l’environnement avec un besoin d’appartenance au groupe (influence des pairs). C’est aussi une période charnière dans le processus d’individualisation (détachement des parents);

- le développement neuro-cognitif qui créé une vulnérabilité neurobiologique due par exemple à une plus grande résistance (que les adultes) aux effets de l’alcool.

 

Nous retiendrons que s’il y a addiction chez un jeune, c’est le signe de son effondrement psychique et de son incapacité à répondre à l’adversité à l’aide de ses propres mécanismes de défense.

 

 

 

 

 

Aspects thérapeutiques: comment prendre en charge un adolescent qui consomme?

 

En premier lieu, l’orthopédagogue doit amorcer une relation de confiance pour ensuite évaluer le contexte (dynamique familiale, cadre social, environnement) dans lequel évolue l’adolescent.  Il évaluera également son état psychique et physique.

 

Le rôle de l’orthopédagogue est en premier lieu d’analyser  le mode de consommation. 

Si celle-ci est plutôt conviviale, la prévention sera de mise pour l’amener à une prise de conscience sur les effets sur son cerveau. La prévention doit l’aider à dire non et à résister à l’effet de groupe. On pourra le travailler par des jeux de rôle qui lui apporteront des réponses toutes faites.
 

Il s’agit avant tout de comprendre l’effet recherché par le jeune dans sa consommation du produit addictif (déshinbition, anxiété…) et de lui proposer alors des techniques de détente, des jeux d’affirmation de soi, des tests pour apprendre à mieux se connaître.

 

Informer l’entourage des jeunes est primordial. Grâce à une meilleure compréhension des besoins du jeune, l’entourage sera alors mieux outillé pour pouvoir l’ aider, l’ écouter et l’ accompagner. 

La guidance parentale, le maintien du lien et du dialogue ont pour but de maintenir la relation même si elle demeure souvent conflictuelle.

 

Si la consommation est plus importante, il est alors important d’établir un climat de confiance avec le jeune pour l’amener à collaborer dans un but  de l’amener progressivement à reconnaitre le caractère inquiétant de sa consommation.

L’orthopédagogue doit toujours rester transparent et loyal vis-à-vis du jeune. Par exemple, il ne doit pas s’entretenir « en cachette » avec ses parents.

Dans sa prise en charge l’orthopédagogue veillera à placer l’adolescent en position de partenaire et non de victime. Il l’aidera à verbaliser ce qui est trop douloureux et à travailler sur l’estime de soi. Il s’attachera à conforter son esprit critique afin qu’il comprenne ce qui le pousse réellement à consommer. 

Une aide en psychothérapie ainsi que la participation à un groupe de paroles pour adolescent lui seront proposées ainsi qu’une consultation avec un médecin addictologue.

 

 

 

 

 

 

En ligne :  Louise Delage vidéo

Sources 

 

- conférence EX-DUCERE (20 Novembre 2019) Benyamina, A psychiatre addictologue  « Jeunesse en quête d’ivresse- les dangers de l’alcool ». Bruxelles.

- Article en ligne"Alcool, cannabis, tabac, pourquoi les adolescents sont-ils les plus fragiles? »(2016). En ligne :  https://www.bayard-jeunesse.com-Phosphore.

- Article en ligne INSERM: dossier réalisé en collaboration avec  Nalpas, B, Directeur de recherche à l’INSERM et chargé de mission Addiction –  (2014) En ligne : https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/addictions. 

-Article en ligne : «ADOLESCENCE ET ADDICTIONS», Dr Bertolini, M. Service d’addictologie(2011).  Département de santé mentale et de psychiatrie HUG- Revue Médicale Suisse. En ligne :https://www.planetesante.ch/Magazine/Addictions/Drogues/L-adolescence-une-periode-d-addictions

- Etude IPSOS – Juin 2018, Les addictions chez les jeunes.

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